L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, à nouveau entendu dans l'affaire Clearstream, s'en prend à Nicolas Sarkozy, au procureur général de Paris, et suggère une implication de Jean-Pierre Raffarin et Jacques Chirac dans les manoeuvres qui lui sont reprochées.
A son arrivée au pôle financier du tribunal de Paris en milieu de matinée, il a dit aux journalistes son intention d'expliquer aux magistrats qu'il n'avait commis aucune faute dans cette affaire, tout en y impliquant pour la première fois l'ex-président Jacques Chirac.
"J'expliquerai lors de cette audition que dès lors que cette affaire a eu des développements médiatiques, la réponse qui a été celle du gouvernement et de la présidence de la République a été la meilleure réponse possible", a-t-il dit.
"Je crois que la réaction, la réponse de l'Etat, a été irréprochable, c'est ce que je vais expliquer aux magistrats", a-t-il ajouté.
L'audition se poursuivait en début de soirée.
Dans une note envoyée aux magistrats mercredi et publiée sur le site internet du Nouvel observateur, Dominique de Villepin répète que, selon lui, l'affaire a été utilisée contre lui par Nicolas Sarkozy.
"Quand on désigne du doigt un faux coupable et qu'on se désigne soi-même comme une victime politique, on enclenche, dans un pays comme le nôtre, une véritable chasse à l'homme où tous les moyens sont bons", écrit-il.
Il explique aussi qu'à ses yeux, l'actuel procureur général de Paris Laurent Le Mesle, conseiller à l'Elysée au moment des faits, est en position de conflit d'intérêt, puisqu'il contribue à traiter judiciairement un dossier dont il aurait été un des acteurs, par ses conseils.
Ce point pourrait servir d'argument à Dominique de Villepin pour soutenir ultérieurement l'annulation de la procédure.
CHIRAC IMPLIQUÉ ?
Entendu d'abord comme témoin en décembre 2006, l'ancien chef du gouvernement a été mis en examen le 27 juillet par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons pour "complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol, recel d'abus de confiance et complicité d'usage de faux".
Il est soupçonné d'avoir suscité la remise en 2004 à un juge anti-corruption, Renaud Van Ruymbeke, de fausses listes de comptes bancaires de Clearstream, qui semblaient compromettre, parmi plusieurs centaines de personnalités, Nicolas Sarkozy.
Entendu une première fois en tant que suspect le 13 septembre, Dominique de Villepin avait clamé son innocence, estimant que l'affaire des faux listings s'expliquait par des rivalités industrielles internes à EADS.
Pour la première fois, dans sa note envoyée aux juges, il suggère aussi une implication de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, et de Jacques Chirac dans les démarches d'enquête concernant les listings qui lui sont reprochées.
Il a expliqué mercredi avoir informé ces deux personnes lorsque, étant ministre de l'Intérieur, il a demandé à la DST en juillet 2004 d'enquêter sur les listings.
"J'ai rendu compte et au Premier ministre et au président de la République de l'évolution des vérifications administratives qui étaient engagées", a-t-il dit mercredi lors de l'émission "Questions d'info", sur France Info et LCP.
Si cette affirmation s'avérait, le rôle des deux hommes serait sujet à caution. Alors que la DST a conclu que les listings étaient faux, le juge Van Ruymbeke n'en a pas été informé et a dû attendre fin 2005 pour parvenir aux mêmes conclusions après enquête sur Nicolas Sarkozy.
Jean-Pierre Raffarin, entendu comme témoin l'année dernière par les juges, a déclaré avoir été tenu à l'écart de ce dossier. Jacques Chirac a dit qu'il refuserait de répondre à une convocation des juges, invoquant la Constitution.