La Turquie fustige le vote au Congrès US sur un génocide arménien
La Turquie a dénoncé jeudi l'adoption par une commission du Congrès américain d'un texte qui reconnaît comme un génocide les massacres d'Arméniens sous l'Empire ottoman, susceptible de nuire aux relations turco-américaines à un moment critique.
Ankara rejette catégoriquement le terme de génocide pour qualifier les massacres de centaines de milliers d'Arméniens après 1915 sous l'Empire ottoman --auquel la Turquie à succédé en 1923-- et parle de représailles contre un peuple qui s'est allié avec l'ennemi russe en pleine Première Guerre mondiale.
Le texte adopté mercredi par la commission parlementaire américaine par 27 voix contre 21 doit à présent être envoyé à la Chambre des représentants pour un possible vote en séance plénière.
Le président turc Abdullah Gul a qualifié d'"inacceptable" ce texte qui a été adopté en dépit des avertissements d'Ankara et de ceux du président George W. Bush qui, inquiet d'éventuelles représailles turques, avait mobilisé tout son gouvernement contre l'emploi du terme de génocide arménien.
Le gouvernement turc, jugeant lui aussi "inacceptable que la nation turque soit accusée d'un crime qu'elle n'a jamais commis au cours de son histoire", a estimé que promouvoir le texte controversé "mettra en péril dans une période très sensible un partenariat stratégique" entre Washington et Ankara.
"Nous espérons encore que la Chambre des représentants aura assez de bon sens" pour ne pas approuver ce document, ajoute le gouvernement turc dans un communiqué.
Interrogé par des journalistes, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a assuré que son cabinet ferait tout son possible pour empêcher l'adoption du texte par la Chambre des représentants en plénière et étudiait sa rispote si ses efforts se révélaient insuffisants.
"Nous allons continuer notre action avant qu'il (le texte) arrive en plénière", a déclaré M. Erdogan. "Après cela, il y des mesures que nous pouvons prendre, mais le temps n'est pas venu d'en parler. Nous sommes en train d'évaluer ces mesures", a-t-il ajouté.
La présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a indiqué jeudi qu'elle avait bien l'intention de soumettre le texte au vote de l'assemblée plénière.
La Maison Blanche s'est pour sa part déclarée "déçue" et a assuré par la voix de son porte-parole Gordon Johndroe que le président George W. Bush allait "réitérer son opposition" à ce texte qui risque d'envenimer les relations turco-américaines à un moment délicat.
Washington craint que, par mesure de rétorsion, la Turquie cesse de faciliter le transit par son territoire du réapprovisionnement des missions américaines en Irak et en Afghanistan, et mette fin à l'utilisation de la base aérienne turque d'Incirlik (sud), plaque tournante du ravitaillement américain.
"Les Turcs ont été assez clairs sur les mesures qu'ils prendraient si cette résolution était votée", a observé le secrétaire américain à la Défense Robert Gates, soulignant le rôle clé de la base d'Incirlik.
Répondant à une question sur un éventuel refus d'utilisation de cette base, M. Erdogan a déclaré: "Ces choses-là ne se disent pas, elles se font".
Dans le camp arménien en revanche, le vote au Congrès américain a été accueilli avec satisfaction.
"Nous saluons cette décision" de la commission américaine, a déclaré le président arménien Robert Kotcharian lors d'un point presse à Bruxelles. "Nous espérons que cela mènera à une reconnaissance complète par les Etats-Unis des effets du génocide".
"Le fait que la Turquie refuse de reconnaître (le génocide) ne lui permet pas d'obliger d'autres pays à renier eux aussi la vérité historique", a-t-il ajouté.