«Ce ne sont pas les gouvernements qui décident des besoins des entreprises»
Jean-Pierre Garson, responsable de la division migrations internationales à l’OCDE :
Par CATHERINE COROLLER
QUOTIDIEN : samedi 22 septembre 2007
Jean-Pierre Garson, expert des migrations à l’OCDE, estime que si la France n’attire pas les salariés qualifiés, c’est qu’elle n’offre pas assez d’emplois.
Fixer des quotas de main-d’œuvre immigrée par profession ou par métier, est-ce un objectif réaliste?
C’est facile à dire mais difficile à mettre en œuvre. Ce ne sont pas les gouvernements qui décident de l’évolution de la situation économique et des besoins des entreprises. De quelles sources d’information et d’instances de concertation disposent-ils pour obtenir des données permettant d’identifier les besoins de l’économie française en général, et plus particulièrement des entreprises? Il faudrait organiser des réunions de concertation avec les employeurs, les milieux syndicaux, à l’échelon national et régional. Au niveau de l’entreprise, ces besoins sont déjà difficiles à estimer, mais au niveau agrégé, c’est encore plus délicat. En admettant ensuite qu’un gouvernement estime avoir besoin de 1 000 ou 2 000 ingénieurs, il faut qu’il soit capable de préciser quelles seront leurs conditions de travail, où ces personnes vont travailler, leur salaire.
Les quotas ne sont-ils pas le moyen de faire passer la «pilule» de l’immigration?
Fixer des quotas élevés, même si cela correspond à des besoins, passe mal dans l’opinion, surtout en période de chômage, ces quotas étant perçus comme le recours à une immigration de travail au détriment des nationaux. L’Espagne et l’Italie, dans des conditions différentes, ont expérimenté la mise en place de quotas, mais les besoins en main-d’œuvre ont été largement sous-estimés. Du coup, ces deux pays ont dû recourir à des régularisations massives, discréditant par là même les objectifs de la politique migratoire.
Quelle chance la France a-t-elle d’attirer des informaticiens indiens comme l’avait souhaité Sarkozy?
Les pays qui ont tenté de mettre en œuvre des quotas par région d’origine n’y sont pas parvenus. L’Allemagne avait défini à partir de 2000 un programme pour recruter des informaticiens indiens. Ils ont préféré aller au Royaume-Uni, aux Etats-Unis… Aujourd’hui, le potentiel de main-d’œuvre qualifié est plus attiré par les pays anglo-saxons. L’obstacle de la langue joue, mais si la France n’attire pas d’immigration de travail c’est parce qu’il n’y a pas assez d’emplois. L’Australie ou le Canada attirent aussi parce que ces pays acceptent l’idée que ces immigrants vont rester et amener leur famille. Toute politique qui ne prendrait pas en compte la migration familiale ne peut pas espérer développer l’immigration de travail.